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Première partie : À la recherche du puerh (Pu Er tea) authentique ?

Malgré ce qu'on lit souvent et l'importance indéniable qu'a eu la Chine quant au développement de la culture du thé à partir du 7e siècle, les faits montrent que ce n'est pas aux Chinois que l'on doit la découverte du thé, la domestication du théier ou encore la transformation de ses feuilles et leur consommation.

Selon l'état actuel de nos connaissances, le thé serait apparu au cœur d'une vaste zone géographique et culturelle, allant du nord de l'actuelle Birmanie (État Shan) au nord du Viet-Nam, en passant par le sud du de l'actuel Yunnan (qui pour sa part ne deviendra véritablement chinois que très tardivement, à partir du 14e siècle), le nord de la Thaïlande et le nord du Laos.

Terre d'origine du thé et principaux terroirs du puerhEtat Shan en BirmanieMengku Da Xue Shan dans le YunnanVieux théiers au Laos
  • 1.Terre d'origine du thé et principaux terroirs du puerh
  • 2.Etat Shan en Birmanie
  • 3.Mengku Da Xue Shan dans le Yunnan
  • 4.Vieux théiers au Laos

Bien que cette région n’apparaisse pas immédiatement comme telle et soit aujourd'hui fragmentée par les frontière de différents états (Chine, Birmanie, Laos, Thaïlande, Viet-Nam), elle présente une certaine unité géographique, ethnique et culturelle, et partage une histoire commune. C'est précisément l'espace que le linguiste Shintani Tadahiko appelle TCA (Tai Cultural Area) le théâtre de ce que James C. Scott appellera de manière beaucoup plus polémique la « Zomia », et qui géographiquement correspond aussi au célèbre triangle d'or.

Or, c'est dans cette région à la culture particulièrement ancienne, riche et complexe, que s'est écrit le début de l'histoire du thé et qu'est né le thé puerh. C'est là tout d'abord que les premiers théiers seraient apparus, mais c'est surtout là que l'homme aurait découvert les feuilles de thé et leur potentiel. Vestiges vivants de cette préhistoire du thé, on trouve encore aujourd'hui de nombreux théiers sauvages dans cette région, aussi bien dans les pans qui appartiennent aujourd'hui au Yunnan, ou ceux qui se trouvent au Laos, en Birmanie ou en Thaïlande.

Theier sauvage dans le YunnanTheier sauvage dans le YunnanTheier sauvage dans le YunnanTheier sauvage dans le YunnanTheier sauvage dans le YunnanTheier sauvage dans le Yunnan
  • 1.Theier sauvage dans le Yunnan

C'est par exemple le cas des théiers sauvages des forêts de Da Xue Shan dans le Yunnan, des arbres dans lesquels se reflètent les premiers théiers et dont les feuilles produisent des arômes atypiques,et bien différents de puerh (Pu Er tea) issus de variétés domestiquées.

Chargement du thé...

Mais ce que l'on trouve surtout dans ces forêts anciennes, c'est la trace de l'homme qui, il y a plusieurs milliers d'années, a su progressivement domestiquer le théier. Le plus vieux théier actuellement découvert aurait ainsi au moins 3200 ans. Son étude montre pourtant que ce n'est pas un théier sauvage, fruit de la seule nature, mais l'aboutissement de cette patiente domestication du théier par les peuples de la région : un long travail de choix, de sélection et d'entretien de l'arbre à thé.

Théier domestiqué de 3200 ansThéier domestiqué de 3200 ansThéier domestiqué de 3200 ansThéier domestiqué de 3200 ansThéier domestiqué de 3200 ans
  • 1.Théier domestiqué de 3200 ans

Qui étaient ces premiers hommes à avoir, il y a plus de 3000 ans, découvert et domestiqué le théier, et à quelles fins ? Nous n'en savons que peu de choses. Ce que nous observons par contre, c'est que différents peuples, en particulier les Bulang (Blang) ou les Wa ont poursuivi ce travail et, il y a plus de 1000 ans, ont progressivement diffusé la cultivation du théier à travers cette grande région du thé.

Bulang dans les montagnes du YunnanBulang dans les jardin à théWa dans le YunnanWa dans le YunnanMoine Bulang
  • 1.Bulang dans les montagnes du Yunnan
  • 2.Bulang dans les jardin à thé
  • 3.Wa dans le Yunnan
  • 5.Moine Bulang

Ainsi, on peut encore aujourd'hui trouver dans certaines forêts du Yunnan, de la Birmanie ou de la Thaïlande, de tels jardins anciens, établis au cœur des forêts il y a parfois près de 1000 ans et qui témoignent de la maîtrise du théier par les ethnies de la région, avant la domination chinoise du Yunnan ou le contrôle très tardif de l’État Shan par les Birmans.

L'observation de ces jardins anciens et le savoir oral des ethnies qui continuent leur exploitation de manière traditionnelle (dans le nord de la Thaïlande par exemple) montrent un véritable savoir-faire, une compréhension poussée des besoins du théier et une grande maîtrise des techniques agroforesterie, c'est-à-dire de l'art d'établir et d'entretenir des jardins à thé au sein même des forêts afin de tirer parti de la biodiversité de cet environnement.

Jardin ancien à Yanuo Shan YunnanJardin ancien à Yi Wu YunnanJardin ancien à Phongsaly LaosJardin anciens à Lincang, Yunnan
  • 1.Jardin ancien à Yanuo Shan Yunnan
  • 2.Jardin ancien à Yi Wu Yunnan
  • 3.Jardin ancien à Phongsaly Laos
  • 4.Jardin anciens à Lincang, Yunnan

La surface de ces jardins, le grand nombre d'arbre exploités, en comparaison avec la très faible population des villages met quant à elle en évidence le véritable usage du thé, probablement quotidien, et non anecdotique ou limité à des fonction médicinales, de la part de ces premiers peuples du thé.

À quelle fin ce thé était cultivé ? Comment était il consommé ? Quels étaient les arômes de ces thés premiers ? C'est là une question complexe à laquelle on ne peut apporter que des fragments de réponses.

Il est très probable que le thé ait initialement été mangé, peut-être avant d'avoir été bu, ou que les deux phénomènes sont arrivés de manière simultanée, ce qui expliquerait notamment l'ampleur de ces jardins. Dans des zones particulièrement reculées du Yunnan où certains Bulang ou Jinuo ont pu partiellement échapper à l'assimilation des États et des ethnies dominantes, on peut encore voir de telles formes traditionnelles de consommation des feuilles de thé, mangées ou infusées, qui pourraient refléter ces pratiques initiales.

Cusine traditionnelle Jinuo à base de plantes sauvagesCusine traditionnelle Jinuo à base de plantes sauvagesCusine traditionnelle Jinuo à base de plantes sauvagesCusine traditionnelle Jinuo à base de plantes sauvagesThé aigre pour être cuisiné chez les Bulang
  • 1.Cusine traditionnelle Jinuo à base de plantes sauvages
  • 5.Thé aigre pour être cuisiné chez les Bulang

C'est le cas par exemple de certains Bulang, qui confectionnent un thé étonnant, produit par fermentation anaérobique de feuilles mi-transformées, et destiné à être mangé. Les feuilles fraîches sont pour cela passées un certain temps à travers un jet de vapeur, avant d'être sommairement travaillées, puis compressés dans une section de bambou. Le bambou est refermé des deux cotés à l'aide de grandes feuilles, de bananier par exemple, rendu hermétique avec de la terre humide, puis le tout est enterré. Le thé restera ainsi dans le sol au moins six mois, parfois plus, avant d'être déterré puis mangé !

J'ai longtemps cherché ce thé précieux, introuvable sur le marché chinois, avant de finir par le trouver dans l'intimité d'une famille Bulang, au cœur d'un village reculé du Yunnan. Ce thé, pratiquement disparu que l'on appelle en chinois Suan Cha (thé aigre) et qu'une poignée de familles Bulang savent encore produire dans le Yunnan, n'est cependant plus consommé quotidiennement par ces familles, comme il l'a peut-être été dans le passé, mais est confectionné pour des occasions spéciales comme le mariage.

Feuilles de Suan Cha séchéesFeuilles de Suan ChaFeuilles de Suan ChaFeuilles de Suan Cha infusées
  • 1.Feuilles de Suan Cha séchées
  • 2.Feuilles de Suan Cha
  • 4.Feuilles de Suan Cha infusées

Une fois sorties du bambou, les feuilles d'un vert kaki ne sont pas sèches comme les feuilles des thés que nous avons l'habitude de voir, mais semblent encore fraîches, souples. Leur toucher est légèrement collant, spongieux. Au goût, c'est tout d'abord aigre, ce qui peut rappeler les kimchi coréens, les légumes aigres du Yunnan (Suan Zhai), voire pour chercher quelque chose de similaire dans le registre français les cornichons. On retrouve ensuite clairement le thé dans l'arrière-goût, à travers une certains force âpre et de puissants arômes de thé qui se développent progressivement et viennent teinter la respiration.

Bien que ce thé soit initialement fait pour être mangé, une variante sèche, confectionnée pour être infusée, existe. Les feuilles sont en général pour cela fermentées plus longuement, puis une fois déterrées sont mises à sécher au soleil pour être ensuite infusées. Et voici ce que cela donne une fois dans la tasse.

Chargement du thé...

Bien qu'on en parle très peu, la confection de ces thés premiers et en particulier ceux produits afin d'être mangé est pourtant cruciale, non pas simplement pour leur valeur historique, mais car ils ont très probablement posé il y a bien longtemps les fondements du thé puerh : ce qui le définit, le rend unique et qui diffère presque en tout point de l'approche chinoise du thé. Je pense notamment aux choix de variétés à grandes feuilles (Assamica, Taliensis, etc) par rapport aux variétés à petites feuilles (Sinensis Sinensis), à la cueillette de feuilles âgées, à la dessiccation partielle, voire au séchage au soleil pour les versions sèches, à l’exploitation des différentes saisons du théier, autant de choix conscients qui ont été fait pour maximiser la qualité d'un thé, initialement produit pour être fermenté et destiné avant tout à être mangé.

Lors de la colonisation du sud du Yunnan par les Chinois (Han) au 17e siècle, ces derniers commenceront par acheter le thé puerh (Pu Er tea) aux autochtones, qui eux seuls possédaient les jardins, maîtrisaient les montagnes et leurs forêts, pratiquaient la cueillette des grands arbres et transformaient les feuilles.

Ce sont alors ces feuilles choisies, façonnées, transformées par les ethnies du Yunnan selon leur propre culture et leur mode de consommation, qui firent que les Chinois nommèrent thé puerh. C'est ce même thé qui, acheté par les marchands han, fut compressé et commencera à parcourir la Chine et les pays avoisinants.

Parallèlement, et à partir de la fin du 18e, les Chinois han qui ont destitué les chef locaux et possèdent désormais un contrôle total sur une large partie du Yunnan, commencent à produire leurs propres thés puerh (Pu Er tea) dans la région de Yi Wu.

Vieux village de Yi WuVieux village de Yi WuVieux village de Yi WuVieux village de Yi Wu
  • 1.Vieux village de Yi Wu

Je pense tout d'abord au fameux puerh (Pu Er tea) « impérial » produit à Yi Bang, non loin de Yi Wu pour l'empereur et la cour et qui, à travers l'usage atypique pour la région d'une variété à petites feuilles et la prédominance de bourgeons, constitue de toute évidence une version « chinoise » du puerh (Pu Er tea) original.

Mais cette influence n'est pas restée dans le cadre restreint et finalement assez anecdotique des productions impériales et a probablement touché les alentours, en particulier autour de la ville de Yi Wu où s'établirent dès 1700 de grande familles chinoises de producteurs venues de Shipping. Certains de ces premiers producteurs han, pressèrent alors des galettes de thé puerh, non pas pour la cour mais pour le marché local et international, durant plus de 200 ans avant l'arrivée des communistes dans les années 1950.

Un transfert de savoir s'est alors probablement établit entre les Han et les peuples autochtones de la région (en particulier après 1900), concernant notamment les techniques chinoises de transformation des feuilles et peut-être l'introduction d'outils (tel que le wok en fer), influençant probablement la nature des thés produits.

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  • 1.Production traditionnelle du puerh (Pu Er tea) à Yi Wu aujourd'hui

Cette première vague de transformation du puerh (Pu Er tea) par les Han au 19e siècle n'a cependant dû avoir qu'une portée limitée. Géographiquement tout d'abord, elle n'est probablement pas sortie de la petite zone de production du Yunnan sous contrôle han, aussi appelée les six grandes montagnes à thé (en réalité les seules montagnes à thé contrôlées par les Chinois dans l'espace de l'actuel Yunnan, c'est-à-dire la partie est du Mékong, l'ouest (Menghai), une autre grande zone de production, étant encore en ce temps largement contrôlée par les peuples indigènes, notamment Wa et Lahu).

De plus, si il y a probablement eu en ce temps une influence quant à la transformation des feuilles, les grandes lignes posées par les peuples autochtones et qui font le puerh (Pu Er tea) sont restées : variétés à grandes feuilles, grands arbres espacés au sein de jardins, feuilles matures et grossièrement travaillées, récolte des quatre saisons, conditions favorisant l'oxydation et la fermentation initiale (si elle n'était pas provoquée), séchage naturel dit « au soleil », etc. C'est tout du moins ce qui ressort de l'observation attentive des dernières galettes de cette première ère du puerh, produites par les ateliers han dans la première moité du 20e siècle et qui sont aujourd'hui considérées comme les plus grands chefs-d’œuvre du thé puerh. Parmi elles, on citera par exemple Song Pin Hao, producteur emblématique de Yi Wu, dont voici le retour de dégustation d'un thé produit dans les années 1910.

Chargement du thé...

Certains estimeront même que c'est à cette période (dite des Hao Ji Cha), entre les années 1800 et les années 1900 que le véritable puerh (Pu Er tea) est né précisément du croisement du savoir indigène et de l'influence chinoise de la transformation des feuilles.

Qu'il précède l'arrivée des Han dans la région ou qu'il soit né de l'influence de l'arrivée des premiers Han, ce savoir-faire initial qui fit la renommée du thé puerh (Pu Er tea) entre le 18e siècle et le 20e siècle et dont nous n'avons plus que quelques galettes pour mémoire, a bien malheureusement disparu depuis, balayé par une succession de profondes mutations. De plus en plus fréquents et importants, ces bouleversements ont radicalement changé la nature de ce que l'on appelle toujours puerh, faisant dire à nombre d'amateurs de la première génération que le puerh (Pu Er tea) chinois avait désormais définitivement disparu.

On notera d'abord l'apparition des premiers jardins han à partir du 19e siècle sur les terres nouvellement conquises du Yunnan, marquant progressivement la fin de l’agroforesterie ancestrale pratiquée par les peuples autochtones et que l'on commence à peine à redécouvrir aujourd'hui en Chine. Ce phénomène, encore limité au 19e siècle, fut ensuite dramatiquement accentué au 20e siècle par l'emphase chinoise pour les nouveaux moyens « modernes » et « productifs » de cultivation du thé, opérant une véritable révolution dans les jardins à thé.

Jardin moderne à Yi WuJardin moderne à Jinuo ShanJardin moderne à Jinuo ShanJardin moderne à Dadugang
  • 1.Jardin moderne à Yi Wu
  • 2.Jardin moderne à Jinuo Shan
  • 4.Jardin moderne à Dadugang

La transformation des feuilles et la production du thé n'ont elles aussi pas cessé d'être adaptés à la technique, mais surtout aux marchés et aux modes. On notera notamment l'arrivée de l'industrialisation dans les années 1940 qui, couplée avec l'élan communistes dix ans plus tard, marquera la fermeture des ateliers privés et l'instauration des méthodes de transformation des feuilles, accompagné d'une toute nouvelle approche du thé puerh (Pu Er tea) (ère des Yin Ji Cha).

Poussé ensuite par l'amélioration des voies de transport, ce sera le début d'une influence toujours plus forte du marché hongkongais qui deviendra le marché principal du thé puerh (Pu Er tea) dans la première moitié du 20e siècle et aura lui aussi une influence certaine sur sa production du thé puerh (Pu Er tea) (ère des Chi Tse Beeng Cha).

Tout cela s'est ensuite dramatiquement accéléré dans les années 1990, avec l'explosion du « phénomène puerh », l’ouverture du marché du thé et l'apparition subite d'une multitude de nouveaux producteurs privés, véritable raz-de-marré incontrôlé et incontrôlable dans lequel peu de choses de ce qui faisait le thé puerh (Pu Er tea) d'avant ont survécu.

Marché au thé de Kunming en 2010Foire au puerh <span class='translation'>(Pu Er tea)</span> Kunming 2009Foire au puerh <span class='translation'>(Pu Er tea)</span> Kunming 2009Foire au thé Taipei 2011Foire au thé Taipei 2011
  • 1.Marché au thé de Kunming en 2010
  • 2.Foire au puerh (Pu Er tea) Kunming 2009
  • 4.Foire au thé Taipei 2011

Pour ne garder que deux phénomènes emblématiques de cette dernière révolution, on notera tout d'abord la dramatique « verdisation » du puerh (Pu Er tea) brut, dont les techniques de transformation n'ont cessé (et ne cessent) d'être adaptées pour faire du puerh (Pu Er tea) un thé vert, produit de consommation immédiate dont l’appartenance aux puerh (Pu Er tea) (et l’espérance d'une maturation) pose de plus en plus question.

Parallèlement a vu le jour dans les années 1990 une nouveau forme de puerh (Pu Er tea) sombre chinois que l'on pourrait appeler le puerh (Pu Er tea) fermenté industriel contemporain : un type de thé à part entière et à peine inspiré par la technique des shu cha originaux, produit pour une nouvelle génération de consommateurs, créé dans les années 1990 et 2000 et lui aussi pensé avant tout pour une consommation immédiate.

Que reste-t-il finalement en Chine de ce qui fit dans le passé la valeur et la renommée des thés puerh ? Bien peu de choses. Dans les années 90, alors que le modèle était la culture intensive en terrasse et que la majorité des jardins anciens avaient déjà étés rasés, abandonnés ou déforestés, le marché, sentant que quelque chose se perdait, commençait soudain à se passionner pour les qiao mu, les arbres qui avaient encore un tronc et une tête d'arbre et qui avaient échappé de justesse au massacre.

Vieil arbre à thé dans le YunnanVieil arbre à thé dans le YunnanVieil arbre à thé dans le YunnanVieil arbre à thé dans le YunnanVieil arbre à thé dans le Yunnan
  • 1.Vieil arbre à thé dans le Yunnan

Dans les années 2000, cela devient la grande mode des gu shu, on redécouvre les vieux arbres avec le rêve qu'ils recréeraient un lien avec les puerh (Pu Er tea) du passé. Dix ans plus tard, on vit désormais le rêve des Guoyou lin, ces rares derniers jardins situés dans des réserves (vaguement) protégées, et qui renouerait avec les pratiques anciennes agroforesterie . Le marché, Chinois et Taïwanais en tête, ne cesse ainsi depuis dix ans d'explorer ces rares zones rescapées et encore inconnues à la recherche de la perle rare, en particulier dans les monts Yi Wu. Ainsi, on voit désormais chaque année une micro-mode autour de tel ou tel village prétendu « naturel » et où le puerh (Pu Er tea) serait encore authentique (on se rappellera de la grande mode pour Guafengzai, puis de Wan Gong, Bohetang et désormais Yishanmo, autant de villages « oubliés » soudain propulsé sur le devant de la scène et les étals des maisons de thé).

Mais cette nouvelle quête du puerh (Pu Er tea) authentique relève bien souvent plus du fantasme romantique qu'autre chose. Elle ne porte en général son attention que sur les ressources naturelles, l'âge des arbres, la prétendue histoire des terroirs, la richesse de la nature, la beauté des montagnes ou des forêts avoisinantes, omettant comme les Han le firent il y a 300 ans l'importance du savoir local quant à l'entretien traditionnel de ces jardins ou la transformation des feuilles, soit finalement la dimension culturelle, qui pourtant est peut-être ce que la Chine a perdu de plus précieux.

Vieil arbre dans un jardin déforestéVieil arbre dans un jardin déforestéVieil arbre dans un jardin déforestéVieil arbre dans un jardin déforesté
  • 1.Vieil arbre dans un jardin déforesté

Pire encore, cette quête frénétique et irresponsable du jardin d'Éden où le puerh (Pu Er tea) serait encore authentique constitue bien souvent le plus grand vecteur du changement destructif de ces rares zones qui avaient échappé au massacre moderniste du siècle dernier. La « découverte » de la valeur des vieux arbres aurait ainsi pu être louable en soi, si elle n'avait pas poussé à raser les arbres plus grands qui abritaient ces jardins anciens, afin d'accroître la productivité des jardins, détruisant finalement ce qui faisait la valeur véritable de ces jardins.

De même, la recherche continuelle de nouveaux villages isolés et prétendus vierges, qui auraient évité de justesse les ravages passés pourrait apparaître comme une bonne chose, si elle n'était motivée que par le profit et ne s'accompagnait pas systématiquement d'une profonde transformation de ces villages, détruisant en quelques années seulement ce qui avait pourtant survécu aux différents remous des siècles passés.

Guafenzhai coté LaotienGuafenzhai coté LaotienGuafenzhai coté LaotienGuafenzhai coté Laotien
  • 1.Guafenzhai coté Laotien

Il suffit de voir pour cela l'exemple de Guafengzhai dans la région de Yi Wu, ou les villages attachés et moins connus situés de l'autre coté de la frontière laotienne. Sous prétexte d'avoir découvert un village isolé naturel et qui aurait évité les massacres chinois du 19e siècle, on s'est finalement empressé de former en un rien de temps tout le village aux techniques d’aujourd’hui et de fournir à à toutes les familles de wok et du materiel chinois flambant neuf afin qu'ils puissent produire un puerh (Pu Er tea) ultra vert, aux feuilles magnifiquement sculptées et conformes aux attentes des consommateurs d'aujourd'hui, bien que cela n'ait à peu près rien à voir avec ce que le village produisait initialement. Il va sans dire que cela s'accompagne en général d'une sur-exploitation des théiers, d'une altération de l'écosystème des jardins et d'une inévitable chute de la qualité du thé. On ne s'étonnera ainsi pas de voir ces modes éphémères tourner de plus en plus rapidement, et user chaque année de nouveaux villages pour satisfaire un marché absurde et irresponsable. Ce qui avait ainsi résisté aux colons du 18e siècle aura finalement été mis à sac par le marché et les vendeurs du 21e siècle.

Au moment où il devient de plus en plus utopique de trouver dans le Yunnan des zones ayant échappé, ne serait-ce que partiellement, à l'acculturation et aux mutations successives qui ont secoué le puerh (Pu Er tea) chinois et où l'on trouverait encore des formes anciennes ou authentiques du thé puerh, il est bon de se rappeler que le Yunnan, au devant de la scène depuis maintenant 20 ans, ne constitue qu'un fragment du terroir d'origine de ce thé.

Parmi ce grand terroir du puerh, certaines régions sont depuis longtemps au centre de toutes les attentions, comme la province de Phongsaly au Laos qui a déjà subi une très forte influence chinoise. D'autres restées plus fermées, comme la Birmanie et en particulier l’État Shan, constituent par contre des champ de recherche particulièrement passionnants, où non seulement l'environnement mais aussi toute une culture disparue dans le Yunnan perdurent...

A suivre...
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